2020, Karatabougou (bambara = « la case en paille »), avec onze comédiens issus de différentes communautés du Mali, Peuls, Dogons, Bambaras, Songhoys, Touaregs, mettait des mots sur les maux du Sahel à travers un dialogue des langues dans une région où on ne s’écoute plus. Une région, pas un pays, car ici les frontières sont de sable. 11 comédiens plus une vache peule, c’est une production lourde pour l’Afrique, et davantage encore au Mali où l’insécurité n’a pas cessé sur une grande partie du territoire, aussi Karatabougou est d’abord une pièce radiophonique en 7 épisodes de 15 mn.
2021, Mininka ? (tamasheq = « où allons-nous ? ») fouille l’intime avec l’enquête au Nord-Mali sur un mystérieux manuscrit arabe ancien, l’impossible retour vers l’enfance à Ménaka du comédien Abdoul Baky Touré, le choix impossible entre l’amour et la soumission à la tradition de la communauté, l’oxymore constitué par le fait d’être Songhoy amoureux d’une Bambara, comédien et musulman ! Cette fois, Touré – ou son double fictif – est seul en scène, ou pas tout à fait : il dialogue avec deux personnages virtuels grâce à des vidéos préenregistrées.
À part quelques passages en fulfulde, songhaï, tamasheq, bamanan, Mininka ? se joue en français, autrement dit aisément dans les pays voisins de l’Afrique francophone, plus difficilement au Mali pour une minorité ailleurs qu’à Bamako.
Même si à Gao, on a souvent l’impression qu’il y a la même vie foisonnante qu’à Bamako, la population du Nord-Mali se sent abandonnée. Le souhait de Touré d’apporter du théâtre en songhaï à Ménaka a rencontré ma propre lassitude à représenter encore une fois les racines des conflits et de cette guerre larvée. Voici donc, sur un ton plus léger, Ch’ha et sa femme Khadija, avec les deux comédiens maliens Abdoul Baky Touré et Aîssa Maïga.
Ch’ha, ou Djeha, Goha, Srulek, ou encore Nasr Eddin vit de l’Inde et de la Chine à la Mauritanie et au Nord-Mali, en passant par la Turquie où il est peut-être né et où l’on peut voir en tous cas son tombeau édifié longtemps après sa mort – mais c’est bien de lui, qui prêche le faux pour révéler le vrai, qui est un idiot ou un roué, un hadj ou un mécréant, un ignorant ou un savant, dans des centaines d’anecdotes hilarantes ou apparemment absurdes.
Je peaufine ce texte pour une petite forme (30 mn), jouée en langue songhaï, légère (un tapis, quelques ustensiles) surtout pour le Centre et le Nord-Mali, également dans les camps de déplacés, avec un volet de formation au théâtre et au conte de quelques jours pour les enfants.

